Depuis quand développez-vous un intérêt pour les sciences et plus particulièrement pour les mathématiques ?

Bonjour, je m’appelle Martin, j’ai 35 ans. Je suis prof de maths à domicile et prof de GMAT. Je suis d’un naturel curieux. J’aime me poser 10 000 questions sur le monde autour de moi. Quand j’avais 10 ans, j’aimais regarder les émissions « C’est pas Sorcier »… Je pense que j’ai toujours aimé les sciences et les mathématiques même si, je dois l’avouer, les mathématiques telles qu’elles sont enseignées à l’école (de façon abstraite, avec des exemples déconnectés du monde réel) m’ont souvent ennuyé.

Quel est le mathématicien, la formule ou le théorème ou qui vous vient en premier à l’esprit ? Que lui vaut cet attrait… ou ce rejet ?

J’aime bien Bernoulli, car la loi binomiale est la base des probabilités, un domaine mathématique que je trouve très intéressant. J’aime également Pythagore. Son théorème est présent partout. Juste pour l’anecdote : sans Pythagore, on ne pourrait pas calculer la vitesse précise des avions (qui prend en compte une vitesse horizontale et une vitesse verticale). Sans Pythagore, on ne pourrait pas calculer la portance des ailes, donc pas de vacances en Thaïlande en vols long-courriers !

Pythagore — enfin son théorème — est l’un des premiers étudiés par les collégiens. Cela permet d’initier les jeunes de 13-14 ans à la démarche scientifique. En s’assurant qu’un certain nombre de conditions initiales (triangle rectangle) sont respectées, on peut calculer quelque chose qu’on ne pourrait mesurer directement — la hauteur d’une montagne par exemple.

Certes, les jeunes de 13-14 ans préfèrent généralement aller sur YouTube ou Snapchat que calculer les hauteurs de montagnes — information qu’on peut retrouver sur Wikipedia dans tous les cas… Mais le but de Pythagore n’est pas là. Le but réel est de montrer qu’avec de la logique et quelques outils mathématiques, l’être humain peut modéliser le monde et découvrir des choses qu’il n’aurait pu expérimenter directement à l’aide de ses cinq sens.

Finalement, les mathématiques sont la base du progrès humain. Un exemple : c’est grâce à la méthode scientifique (et les probabilités) que le médecin hongrois Ignace Semmelweis a divisé par 10 (13 % → 1,3 %) la mortalité néonatale des femmes venant d’accoucher en clinique. D’une certaine manière, la médecine c’est de mathématiques appliquées au vivant… On a un problème. On le modélise — par exemple sous forme d’une équation. On détermine les valeurs causales, on étudie les relations entre causes et conséquences (à l’aide d’un protocole ou en testant par essai/erreur) afin de déterminer les meilleures solutions possibles.

Plutôt algèbre ou géométrie ? Dites-nous-en davantage sur votre domaine de prédilection ?

Je préfère l’algèbre, car le champ d’application des équations, des probabilités et autres modèles mathématiques est, à mon humble avis, plus vaste que la géométrie. Ceci étant, la géométrie est aussi très intéressante. Grâce aux angles alternes/internes, un bâton, un puits et un chameau, Eratosthène a pu calculer, en 200 avant Jésus-Christ, la circonférence de la terre avec 1 % de marge d’erreur.

Il n’était pas certain que la Terre était ronde (ce n’était qu’une hypothèse). Mais une fois cette hypothèse confirmée, cela a permis aux marins tels que Christophe Colomb d’explorer le monde, étant certains qu’ils ne tomberaient pas dans le vide comme on le pensait avec la théorie de la terre plate.

Bien sûr, la découverte de la terre ronde n’a pas amené que du bon — l’extermination des amérindiens ou la colonisation ont été des conséquences indirectes de cette découverte. Mais les mathématiques en tant que telles sont amorales : elles augmentent le champ des possibles de l’humanité. À chacun d’en faire bon usage (ou pas).

Vous pouvez maintenant nous rassurer et nous avouer que vous aussi, vous avez déjà galéré en maths…

Bien sûr. Au lycée, je tournais autour de 12/20 en mathématiques. Il y avait des chapitres que je détestais (comme les produits scalaires ou les équations de droite), car je n’en voyais pas l’utilité. Sans compter les DST ratés à cause d’erreurs d’inattention à répétition…

Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour être un bon « matheux » (en plus d’avoir une bosse sur la tête) ?

Pour devenir un virtuose au piano, il faut pratiquer un peu tous les jours pendant des années. Pour devenir un bon sportif, il faut pratiquer régulièrement. Pour devenir « bon en maths », ce n’est pas plus compliqué. Il faut pratiquer régulièrement, et pour pratiquer régulièrement quelque chose, il faut être passionné par la chose en question.

Pour réussir en mathématiques, il faut être curieux, être patient et rigoureux. Une erreur en mathématiques ne pardonne pas. Ce n’est qu’en pratiquant encore et encore qu’on commence à être à l’aise en calcul mental et qu’on parvient à « automatiser » la démarche scientifique. Il faut pratiquer pour commencer à comprendre les mathématiques et à apprécier la « beauté » de cette matière.

L’exemple de Singapour montre qu’ « être nul en mathématiques » n’est pas une fatalité. Pour devenir bon en mathématiques, il faut être patient et rigoureux. Les mathématiques sont une bonne école de la vie.

Une anecdote à raconter en rapport avec votre métier (et pas forcément liée à une soirée organisée par votre école d’ingénieurs de commerce) ?

Deux anecdotes : La première : j’accompagne une fille en mathématiques depuis la quatrième — elle est aujourd’hui en troisième. Elle m’avait dit qu’au départ, elle n’aimait pas les maths mais que les matières littéraires, et qu’elle n’était pas contente que sa mère fasse appel à mes services pour du soutien scolaire. La semaine dernière, elle m’a dit que je lui ai fait aimer les mathématiques et qu’elle avait réalisé que les matières littéraires ce n’est pas pour elle. Maintenant elle hésite entre devenir pilote d’avion ou devenir chirurgienne !

La deuxième : Il y a deux ans, une famille m’avait contacté pour que je donne du soutien à leur fille en troisième. La première fois, elle avait tellement peur des mathématiques qu’elle avait pleuré en cours. J’avais regardé un DST où elle avait eu 6/20 sur la trigonométrie et j’avais vu que ce n’était pas si mal que ça. Simplement elle n’avait pas compris ce que signifiait le mot « adjacent ». Du coup elle ne savait pas identifier le côté adjacent et n’arrivait pas à utiliser la formule du cosinus et de la tangente. En retravaillant avec elle le vocabulaire mathématique et en lui donnant quelques exercices à faire, elle a obtenu 14/20 au DST d’après. Le deuxième cours, elle ne pleurait pas. Et les cours d’après, elle avait le sourire en me voyant arriver !

J’aime aider les élèves. Beaucoup se mettent des barrières mentales (« je suis nul en maths ») alors qu’il suffit souvent d’un petit déclic pour que les notes (et la confiance des élèves dans leurs capacités) montent. Souvent, retravailler la méthodologie, le vocabulaire mathématique et les erreurs types permet aux élèves de reprendre goût aux mathématiques (ah c’était si simple que ça ?)

Que répondriez-vous à un élève qui dirait que « les maths, ça sert à rien » !

Tu as à la fois raison et tort. Les mathématique sont omniprésentes. Malgré la crise et le chômage, les gens bons en maths trouvent facilement du boulot. Dans la banque, dans les entreprises du numérique ou… en tant que professeur particulier de mathématiques ! Si tu comprends la logique mathématique, tu peux apprendre la programmation ou la data science et commencer ta carrière professionnelle à plus de 2000€ nets par mois et t’offrir un bel appart, de belles vacances…

Bien sûr, si tu ne souhaites pas devenir manager ou ingénieur, une bonne partie des mathématiques du collège et du lycée ne te servira à rien quand tu seras plus grand. Par contre, la pensée logique des mathématiques te servira au quotidien. Savoir faire une équation permet de trouver une réponse à tes « problèmes ». Par exemple savoir combien d’argent économiser chaque mois pour pouvoir faire un tour du monde. La logique mathématique permet de développer ton esprit critique et de prendre du recul sur les médias, la publicité… Les mathématiques te permettent de comprendre le monde et d’éviter que les gens n’abusent de toi. J’ai un ami qui a calculé combien il payait d’intérêt à la banque pour son prêt immobilier. En renégociant son prêt (temps de travail : une journée), il a économisé 12 000 € sur la durée de son prêt — l’équivalent d’une petite voiture neuve.

À titre purement personnel, il y a 10 ans, je gagnais un peu d’argent avec de la publicité placée sur mon site Internet. En effectuant quelques tests basés sur des statistiques de niveau collège, j’ai triplé mes revenus, ce qui m’a permis à l’âge de 21 ans de m’offrir mon premier voyage en avion — trois semaines au Mexique !

Les maths, à quoi ça sert?
Au sommet d’une des pyramides de Teotihuacán (Mexique)

Quelle est la bonne équation à trouver pour être un Superprof de maths ?

Compétence × Pédagogie × Raconter des histoires = Superprof

1. Compétence : Il faut maîtriser son sujet (les mathématiques) sur le bout des doigts. Un prof peut bien sûr se tromper ou hésiter, l’erreur est humaine. Mais sans une grande compétence, sans la capacité à faire des connexions entre les différentes matières, difficile d’aider les élèves à comprendre leur cours, leurs difficultés et à atteindre et dépasser leurs objectifs.

2. Méthodologie : Être bon en maths ne suffit pas à devenir un « superprof ». Encore faut-il être pédagogue. Savoir écouter l’élève, ses attentes. Savoir faire preuve d’empathie. Savoir transmettre. Rester humble et chercher constamment à apprendre de nouvelles manières d’enseigner. Ne pas ressortir année après année les mêmes cours et les mêmes exemples…

Par ailleurs, bien souvent les élèves connaissent leur cours mais se plantent, car ils ne savent pas utiliser les formules ou maîtrisent mal la méthodologie mathématique. Inutile d’avoir un doctorat en mathématiques pour aider des lycéens en maths. Il faut souvent retravailler le vocabulaire (que veut dire « déduire », « émettre une conjecture »), la méthodologie et donner des « petits trucs » pour aider l’élève à progresser pas à pas. Parfois, ce sont les choses les plus « bêtes » qui fonctionnent le mieux. J’ai un élève qui perdait 2 ou 3 points à chaque contrôle à cause d’erreurs de calcul (-3 qui devenait 3 à la ligne d’après).

J’ai regardé et j’ai remarqué que son stylo avait la même couleur que les lignes de ses feuilles… Je lui ai demandé d’utiliser un autre stylo plus foncé et d’acheter des feuilles avec des lignes plus claires. Depuis, il ne fait pratiquement plus d’erreurs de signe.

3. Raconter des histoires : les gens aiment qu’on leur raconte une histoire. Si Jésus avait prêché la morale ici ou là, il aurait été oublié depuis longtemps. C’est uniquement grâce à ses histoires qu’il a su mettre à la portée des gens de son époque (des histoires de bergers, de pêcheurs…) qu’il est entré dans l’histoire. Idem pour Jean de la Fontaine : il n’a pas dit « économisez pour prévoir le futur incertain », il a écrit « la Cigale et la Fourmi ».

Les élèves sont fatigués par les contrôles, les devoirs, les cours… En tant que prof, vous n’avez pas le monopole de leur attention. Face à Snapchat ou Instragram, le seul moyen de capter l’attention des ados en face de vous, c’est de leur raconter une histoire. Une histoire intéressante dans laquelle vous intégrerez les différents éléments du programme scolaire. Une histoire qui fera en sorte qu’ils ne verront pas le temps passer et diront « déjà » (histoire vraie) quand la sonnerie de fin de cours retentira.

Comme vous le savez, dans une équation produit, si l’un seul des membres vaut 0, le produit vaut 0. Pour cette raison, ne négligez aucun des trois aspects précédents.

Devenez meilleur chaque jour suivant la philosophie du Kaizen. Développez des compétences de « coach » pour motiver vos élèves et les aider au niveau de la méthodologie. Divertissez-les pour leur faire prendre goût à votre matière.

Si je ne vous avais pas raconté d’histoire, pensez-vous vraiment que vous auriez lu cet article jusqu’au bout ? Sur ce, j’espère que cette interview vous a plu et bonne journée à vous.